En 2019, avec quatre autres physiciens de haut vol, cet ancien cadre du groupe Safran a fondé la start-up Pasqal, devenue l’une des trois pépites françaises de l’informatique quantique. En moins de cinq ans, avec son équipe, il a hissé Pasqal parmi l’élite de l’industrie mondiale de l’industrie quantique, rivalisant avec les géants de la high-tech américaine. A travers son expérience entrepreneuriale, il nous raconte les coulisses de cette jeune industrie, les rivalités entre les différentes technologies et les premières réalisations concrètes de Pasqal dans le monde de l’entreprise.
Parmi ses associés, Georges-Olivier Reymond compte une star de la spécialité : Alain Aspect, prix Nobel de physique, qui lui a donné le goût de faire de la physique quantique. Il n’était pas son élève mais à l’Institut d’optique sur le plateau de Saclay – l’élite française en sciences physiques – il était supervisé par l’un de ses anciens étudiants, Philippe Grangier, autre grand nom de la physique en France.
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L’entrepreneur doit aussi à Alain Aspect son envie de créer sa propre boîte : au début des années 2000, le futur prix Nobel encourageait les étudiants de l’institut à créer leur start-up, un discours rare à l’époque, qui a poussé toute une génération de chercheurs en physique à se lancer dans l’aventure entrepreneuriale. Résultat, aujourd’hui, la France excelle non seulement dans la recherche académique sur le quantique, mais aussi dans le business : il y a autant de Startup dans le quantique en France qu’aux Etats-Unis.
Georges-Olivier Reymond aime comparer l’évolution actuelle du quantique à l’aventure du spatial au siècle dernier. « C’est la technologie poussée à son maximum », scande-t-il. Mais la route est encore longue : « C’est comme si on avait inventé le transistor mais qu’on cherchait encore la façon optimum de le fabriquer. Pasqal se trouve face à deux concurrents français sérieux : Quandela et Alice & Bob, dont nous avions reçu le président Elie Girard lors d’un précédent épisode. Pasqal a choisi un système naturel qui fonctionne assez bien et que l’on trouve en grande quantité : les atomes. « Un atome, un qbit. Il va se comporter quantiquement naturellement », résume le physicien.
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Applications à court terme
De leur côté, Alice et Bob ou IBM fabriquent un circuit qui, sous certaines conditions, va se comporter de façon quantique. Ils refroidissent le circuit à des températures extrêmes, ce qui pose des difficultés industrielles et des risques d’erreurs, juge-t-il. L’atome de Pasqal est dans le vide. Un vide plus vide que l’univers. Comme le froid d’Alice & Bob est plus froid que le froid de l’univers. « Nous avons vu des applications à court terme pour notre technologie », souligne Georges-Olivier Reymond. Important. Vous avez beau construire la plus belle machine du monde, si vous n’avez pas de clients, elle ne sert pas à grand-chose.
Pasqal possède déjà une quarantaine de clients dans le monde dont BMW, Johnson & Johnson ou le Crédit Agricole avec lequel il a développé ses premiers cas d’école et s’apprête à passer en production courant 2024. Elle a vendu ses deux premiers ordinateurs en Allemagne et en France, à des instituts de recherche. Ils seront opérationnels dans le courant de l’année. L’essentiel de ses revenus devrait toutefois venir, dans un premier temps de son offre d’accès à distance.
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Premier GAFA français
Et l’ambition de Pasqal est grande : « Nous voulons créer le premier GAFA français », assure l’entrepreneur. En commençant par distancer IBM, son principal rival. L’entreprise compte aujourd’hui plus de 230 personnes. Elle a ouvert plusieurs implantations à l’étranger, notamment en Corée du Sud et au Canada où elle vient d’ouvrir une deuxième usine, en plus de celle de Massy, au sud de Paris. Et il regarde avec un certain amusement toute la hype qui se développe autour de l’intelligence artificielle générative. « Il n’y a pas beaucoup de hype dans le quantique. Par rapport au monde l’IA nous sommes des petits joueurs, observe-t-il. Nous avons levé 140 millions d’euros, nous avons des clients, du hardware. Mistral a levé 300 millions, ils sont 14 et n’ont pas de produit. Mais c'est bien qu'ils le fassent : hype veut dire excitation. Quand vous faites un ordinateur quantique, si vous n'êtes pas excité par ce que vous faites, ce sera difficile »
Georges-Olivier Reymond espère voir la tendance s’inverser en 2024. « La physique quantique, depuis 100 ans, a toujours délivré, explique-t-il. Elle répond à énormément de questions, n’a jamais été mise en défaut. C’est un succès scientifique. » La course au qbit ne fait que commencer.
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